Espace, mobilité et désordre — vol. 1, no 1, automne 2017
En exposition
L’espace imaginaire d’Andrée-Anne Dupuis-Bourret
L’artiste
Artiste en arts visuels et médiatiques, Andrée-Anne Dupuis-Bourret aborde la création à partir d’une réflexion sur la perception et l’occupation de l’espace. Explorant le seuil entre l’espace réel et l’espace imaginé, elle s'intéresse à ces deux moments comme un mouvement entre extériorité et intériorité, une circulation entre le dehors et la pensée. Les processus d’hybridation et de répétition sont au centre de sa pratique. Ils génèrent des ambiguïtés entre les notions de surface et d’interface, entre l’espace de l’image et celui de l’objet. Ses projets s’incarnent sous diverses formes: installations in situ, sculptures, images fixes et animées, livres d’artiste. Lors de ses récentes expositions, elle a présenté des installations in situ composées majoritairement de papiers imprimés, pliés et assemblés. À partir d’une série de modules qui se multiplient et prolifèrent, elle crée des reconfigurations et des variations. Dans cette optique, son œuvre ne se présente pas à la manière d'un objet déterminé, mais comme un processus évolutif suivant son propre rythme.
Andrée-Anne Dupuis-Bourret a diffusé son travail dans plusieurs expositions au Canada et à l’étranger (États-Unis, Pays-Bas, France, Mexique, Australie, Israël). Elle a également réalisé plusieurs livres d’artiste qui ont été présentés et collectionnés au Canada et à l’étranger notamment au Berkeley University of California ainsi qu’au Art Institute of Chicago. Récipiendaire de la médaille d’or du Gouverneur Général du Canada pour son projet de maîtrise en 2011, elle poursuit actuellement un doctorat en études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal portant sur l’installation modulaire imprimée. Chargée de cours en arts d'impression à l'École des Arts visuels et médiatiques, elle est également l’autrice de deux blogues de recherche: Le cahier virtuel et Le territoire des sens.
Andrée-Anne Dupuis-Bourret a diffusé son travail dans plusieurs expositions au Canada et à l’étranger (États-Unis, Pays-Bas, France, Mexique, Australie, Israël). Elle a également réalisé plusieurs livres d’artiste qui ont été présentés et collectionnés au Canada et à l’étranger notamment au Berkeley University of California ainsi qu’au Art Institute of Chicago. Récipiendaire de la médaille d’or du Gouverneur Général du Canada pour son projet de maîtrise en 2011, elle poursuit actuellement un doctorat en études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal portant sur l’installation modulaire imprimée. Chargée de cours en arts d'impression à l'École des Arts visuels et médiatiques, elle est également l’autrice de deux blogues de recherche: Le cahier virtuel et Le territoire des sens.
Séries de papiers sérigraphiés pliés
La chambre matricielle
Différence et répétition 1
La débâcle
Matricielle
La fabrication de l’espace
Carnet
Chambre matricielle, chambre des merveilles
Par Claire Caland
Sujet: Andrée-Anne Dupuis-Bourret, La chambre matricielle, du 20 juin au 29 août 2013, La maison des artistes visuels francophones, Saint-Boniface, Canada.
Entrer dans La chambre matricielle (2013) d’Andrée-Anne Dupuis-Bourret n’est pas de tout repos. Le lieu n’invite pas au calme, mais requiert au contraire toute notre attention. Le danger est partout, ainsi que le suggère la prolifération de milliers de modules noirs et rouges, sur le sol et les murs. On dirait une invasion de pixels, ce qui donne l’impression de pénétrer au cœur d’un ancien jeu vidéo. Le temps, en plus de l’espace, se trouve bouleversé par ce surgissement d’une des étapes de l’évolution technologique qui, pour assez récente qu’elle soit, passe pour archaïque aux yeux de tous! La sensation de danger n’en est que plus grande, d’autant que nous nous retrouvons dans un espace confiné, dont les fenêtres sont condamnées par des stores blancs. Il n’y a qu’une seule porte pour s’échapper.
Ce n’est pourtant pas le chaos qui nous oppresse, ici. On ne ressent pas la colère sourde de La chambre magmatique, exposée précédemment chez ARPRIM. Il faut dire que l’exposition de 2012 contenait une plus grande variété d’éléments, avec des boîtes noires et davantage de modules, dont certains formaient des créatures buissonnantes et piquantes. De plus, durant le mois de l’exposition, La chambre magmatique se voulait évolutive et proposait de nouvelles configurations propres à déstabiliser un peu plus le spectateur…
D’un tel laboratoire de formes et d’idées a surgi, un an plus tard, La chambre matricielle, avec quelques éléments que Dupuis-Bourret a isolés pour raconter une nouvelle histoire. La lave ne menace pas de tout effacer. Bien au contraire, c’est un début d’ordonnancement. J’utilise à dessein ce vocabulaire qui renvoie aux grands mythes de fondation, dont la trame est assez simple: «au début» il y a le chaos, le vide, le trou béant; puis une forme apparaît, une voix se fait entendre ou une lumière jaillit; de là, ce qui n’était que chaos est dompté et un principe d’organisation voit le jour... C’est dire que, même derrière l’explicite virtuel d’une artiste de son temps, se cache toujours l’implicite du mythe, la force vive et puissante qui guide l’imagination et émerveille notre quotidien.
Les espaces de La chambre matricielle se mythifient donc comme par magie. Andrée-Anne Dupuis-Bourret nous confiait d’ailleurs que, si entre les deux expositions, le sens de son œuvre s’est déplacé, «certains éléments ont été également retirés pour concentrer l’énergie des murs de pixels». C’est cette énergie que nous ressentons puissamment dans ce lieu divisé en deux pièces communicantes mais qui forment un tout, une chambre qui est matricielle – l’adjectif insiste sur la fonction génératrice d’un espace, aussi réduit soit-il.
Dupuis-Bourret nomme ses formes composées à partir des modules «étangs[1]», insistant sur la fluidité énergétique de sa composition. Cette fluidité est en effet ce qui frappe, de prime abord. Un étang gigantesque qui se fait et se défait. Des jeux de lumière, avec ses ombres portées, lui confèrent du relief, lui apportent une beauté majestueuse, sophistiquée. Les modules dispersés aux murs sont, toujours selon les mots de l’artiste, des «poses d’intensité». Quelle belle expression qui invite à une poésie inquiète! Une pose d’intensité, dans une lumière qui la théâtralise sans nous exclure de la scène. Car qu’imagine-ton dans cette chambre en 3-D? Les histoires se multiplient, au gré des points de vue se focalisant là sur un pan entier de mur, ici sur le mur flottant ou la colonne.
Puis notre regard se perd. Des serpents rouges tachetés de noir semblent tout à coup s’échapper du plancher de la chambre pour mieux ramper le long des murs blancs. Ils attendent leur heure. Et ils nous captivent, nous fascinent, au point qu’il est difficile de sortir de cette chambre faiseuse de monstres et de merveilles.
[1]. Dans son Cahier virtuel, en juin 2013, l’artiste précise que la dénomination qu’elle a choisie, «étang», est un clin d’œil à L’étang noir de Benoît Jutras (http://blogaadb.blogspot.fr/2013_06_01_archive.html).
Claire Caland - Zizanie A17.pdf | |
File Size: | 360 kb |
File Type: |
Notice biobibliographique
Claire Caland est chercheure en mythologie et en art. Docteure ès lettres, elle a publié plus d’une soixantaine d’articles scientifiques, codirigé des collectifs et collabore depuis des années à Vie des arts. En tant que critique d’art, elle suit avec attention le parcours d’artistes québécois, dont celui d’Andrée-Anne Dupuis-Bourret. En tant qu’essayiste, elle a fait paraître un essai sur la barbarie contemporaine dans l’imaginaire occidental, En diabolie (VLB, 2008). Son étude artistique et politique sur les monstres mythiques, Zoofolies (Varia, 2015), s’accompagne de fictions d’auteurs et de dessins originaux de Véronique La Perrière M. Pour 2017, elle publie un essai sur l’art, à quatre mains, avec Émilie Granjon: Cinq fabricants d’univers dans l’art actuel. David Altmejd, Shary Boyle, Rosalie D. Gagné, Laurent Lamarche et Véronique La Perrière M.