Rencontres interespèces et hybridations: l’animal et l’humain — vol. 4, no 1, automne 2020
En exposition
Les corps composites de Dominique Paul
L’artiste
Dominique Paul est une artiste multidisciplinaire ayant une pratique performative qui fait écho à des questions de société, telles que la dégradation de l’environnement, le déclin de la biodiversité et la montée des inégalités sociales. Le corps, sa représentation et sa transformation sont au centre de ses démarches. Elle partage son temps entre Montréal et New York, où elle est représentée par la galerie Miyako Yoshinaga depuis 2013. Elle a réalisé plusieurs projets de performance dans le cadre de résidences, en impliquant récemment des dispositifs interactifs. Ses œuvres font partie de plusieurs collections, dont celle du Smithsonian (Washington D.C.). Depuis 2002, elle a présenté plus de 20 expositions individuelles, tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Elle détient un doctorat en études et pratiques des arts de l’UQAM et un Master of Fine Arts de l’UNSW en Australie. En 2019, elle a publié l’essai Entre chair et lumière: de la possibilité d’une distance critique par l’objet-image (Paris: L’Harmattan, coll. «Ouverture philosophique»).
Signature visuelle du numéro
Carnet
Se reconnecter
Par Dominique Paul
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Nous sommes déconnectés des conséquences de notre mode de vie, de notre consommation au quotidien. Résultat: nous encourageons le travail au rabais, nous épuisons les ressources et détruisons les habitats, ce qui provoque un déclin de la biodiversité et menace l’équilibre climatique essentiel à la vie humaine, animale et végétale. Un exemple récent est la pandémie de COVID-19 qui résulte de la transmission du coronavirus d’une espèce dite sauvage à l’être humain. En respectant l’habitat des animaux en liberté, nous nous protégerons mutuellement. Ce questionnement sur notre mode de vie fait partie de mes préoccupations citoyennes, mais comment l’intégrer à une démarche artistique? En décrivant des œuvres qui ont marqué ma pratique, ce texte raconte mon parcours, qui a débuté par l’exploration de la question de l’identité et de sa nouvelle fluidité acquise lorsque l’on se projette sur la Toile, et qui a évolué sous l’effet d’un désir de transformer le corps de modèles par la projection de personnages de tableaux. Dans certaines œuvres, ce désir se mêle à celui de créer une relation avec l’animal, par l’entremise de l’histoire naturelle.
Parallèlement à ce travail en studio axé sur la transformation du corps, j’ai développé une pratique performative, où je porte des structures qui affichent de manière abstraite des données, par exemple, celles relatant le déclin de la population animale par l’entremise de matériaux utilisés dans des proportions correspondantes. En portant ces structures dans l’espace public, j’affiche des données du «corps social» (Haraway, 2016). Les structures sont conçues en fonction de thématiques qui font écho à des questions environnementales aussi bien qu’à l’accroissement des inégalités sociales. En effet, ces deux champs d’intérêt, à première vue distincts, iraient de pair selon une étude commandée en 2014 par l’Institut Goddard Flight Center de la NASA; la combinaison d’une surutilisation chronique des ressources, des changements climatiques et de l’accroissement des inégalités sociales risque de provoquer l’effondrement de notre civilisation d’ici quelques décennies. (Voir figures 1 à 5.)
Parallèlement à ce travail en studio axé sur la transformation du corps, j’ai développé une pratique performative, où je porte des structures qui affichent de manière abstraite des données, par exemple, celles relatant le déclin de la population animale par l’entremise de matériaux utilisés dans des proportions correspondantes. En portant ces structures dans l’espace public, j’affiche des données du «corps social» (Haraway, 2016). Les structures sont conçues en fonction de thématiques qui font écho à des questions environnementales aussi bien qu’à l’accroissement des inégalités sociales. En effet, ces deux champs d’intérêt, à première vue distincts, iraient de pair selon une étude commandée en 2014 par l’Institut Goddard Flight Center de la NASA; la combinaison d’une surutilisation chronique des ressources, des changements climatiques et de l’accroissement des inégalités sociales risque de provoquer l’effondrement de notre civilisation d’ici quelques décennies. (Voir figures 1 à 5.)
Nous sommes à l’époque du post-modernisme et du post-humanisme, bien que Donna Haraway (2016) privilégie le terme «compost» pour qualifier notre ère. Le post-modernisme a pour caractéristique d’être inclusif et se démarque de la période moderne précédente, qui était plutôt exclusive. Par exemple, en arts, les avant-gardes étaient constituées de petits groupes qui défendaient une idéologie souvent appuyée par un manifeste. Chacune détenait une certitude qui l’amenait à se confronter à des tenants d’autres positions, ce qui suscitait de multiples querelles esthétiques. Cette culture faite d’oppositions, d’exclusions et de contrastes massifs — entre Est et Ouest, communisme et capitalisme, figuration et abstraction, etc. — était placée sous le règne du «ou» selon André Rouillé (2005). Le début de l’ère inclusive du «et» correspond, pour lui, à la défaite américaine au Vietnam en 1975 et à la chute du mur de Berlin en Europe en 1989.
Toutefois, pour Donna Haraway (2002 [1985]), en Amérique, le post-modernisme débute avec la construction épistémique de la catégorie «femmes de couleur». Selon Haraway, auparavant, ces femmes n’étaient pas représentées adéquatement par les groupes féministes, surtout composés de femmes blanches, ni par les groupes défendant les droits civiques, surtout masculins. De plus, le post-modernisme invite à l’hybridité et à l’inclusion, à une relation de continuité entre l’humain, l’animal et les machines selon Haraway, puisqu’il est de plus en plus difficile de déterminer où s’arrête l’un et où commence l’autre (1991, 2002 [1985]). Pourtant, cette période d’inclusion ne semble pas nous aider à saisir l’impact qu’ont nos choix de vie et de consommation sur l’existence d’autres personnes et sur l’environnement.
De plus, avec la présence accrue des interfaces numériques et de notre activité dans l’espace virtuel, qui font maintenant partie de notre réalité, le rôle du corps devient fort secondaire dans cet environnement, selon Katherine Hayles (1999). Celle-ci tente de remettre le corps au centre de la subjectivité, un corps qui avait été séparé de l’identité du soi et avait rendu possible la déclaration de l’universalité du sujet libéral. Dans le post-humain, le corps continue d’être séparé: «Embodiement has been systematically downplayed or erased in the cybernetic construction of the post-human in ways that have not occurred in other critiques of the liberal humanist subject» (Hayles, 1999, p. 4). Me positionnant contre ce courant dans ma pratique artistique, je traite des frictions adaptatives du corps confronté à l’environnement technologique en lui attribuant un rôle primordial et en respectant son intelligence propre.
Toutefois, pour Donna Haraway (2002 [1985]), en Amérique, le post-modernisme débute avec la construction épistémique de la catégorie «femmes de couleur». Selon Haraway, auparavant, ces femmes n’étaient pas représentées adéquatement par les groupes féministes, surtout composés de femmes blanches, ni par les groupes défendant les droits civiques, surtout masculins. De plus, le post-modernisme invite à l’hybridité et à l’inclusion, à une relation de continuité entre l’humain, l’animal et les machines selon Haraway, puisqu’il est de plus en plus difficile de déterminer où s’arrête l’un et où commence l’autre (1991, 2002 [1985]). Pourtant, cette période d’inclusion ne semble pas nous aider à saisir l’impact qu’ont nos choix de vie et de consommation sur l’existence d’autres personnes et sur l’environnement.
De plus, avec la présence accrue des interfaces numériques et de notre activité dans l’espace virtuel, qui font maintenant partie de notre réalité, le rôle du corps devient fort secondaire dans cet environnement, selon Katherine Hayles (1999). Celle-ci tente de remettre le corps au centre de la subjectivité, un corps qui avait été séparé de l’identité du soi et avait rendu possible la déclaration de l’universalité du sujet libéral. Dans le post-humain, le corps continue d’être séparé: «Embodiement has been systematically downplayed or erased in the cybernetic construction of the post-human in ways that have not occurred in other critiques of the liberal humanist subject» (Hayles, 1999, p. 4). Me positionnant contre ce courant dans ma pratique artistique, je traite des frictions adaptatives du corps confronté à l’environnement technologique en lui attribuant un rôle primordial et en respectant son intelligence propre.
Ma première œuvre interactive, Marie Goes to Hollywood (1997), explorait un tableau de Rubens, Le débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille, le 3 novembre 1600, composé de plusieurs personnages, dont des naïades. Sur chacun des personnages du tableau, j’ai inséré une image médiatique circulaire au niveau de l’abdomen. Celle-ci agit comme un portail, comme une interface: en cliquant sur celle-ci, le visiteur démarre une boucle vidéo présentant l’animation de cette image médiatisée projetée sur mon ventre en mouvement. Pourquoi choisir cette partie du corps? Parce qu’elle offre une surface mobile avec la respiration et le mouvement du tronc, qu’elle est centrale et qu’on y retrouve une grande densité de terminaisons nerveuses (deuxième zone en importance après le cerveau). Ainsi, chaque figure du tableau sert de prétexte pour établir un contact entre le passé pictural et le présent, pour reconnecter le visiteur à l’histoire. Deux de ces images projetées sont d’un autre ordre. L’une est celle d’un rhinocéros naturalisé dans une cage de verre: je donne vie (mouvement) à cette espèce menacée. La seconde, une image du David de Michel-Ange, est projetée à la même échelle que mon corps, alors que celui-ci est situé derrière un voile suspendu, de telle sorte que, lorsque j’effleure le corps lumineux de David, c’est le mien que je touche. (Voir figures 6 et 7.)
Cette figuration du corps masculin m’a amenée à me questionner sur sa représentation actuelle dans les médias, où foisonnent les photographies de corps sculpturaux. La représentation du torse ressemble au gabarit du plastron du centurion romain. Elle met de l’avant une musculature surdimensionnée répondant à un canon qui ne peut être incarné par tous les types de physionomies, comme c’est déjà le cas avec la représentation du corps féminin.
En résonance avec cette objectification des corps, dans Carnation double (vidéo en boucle, 2004), je réunis des torses masculin et féminin dans une position inversée où les protubérances de l’un animent celles de l’autre, pour jouer avec cette idée du remodelage du corps qui transforme celui-ci en «objet» d’admiration. J’anime l’image avec des mouvements de rotation qui amplifient le volume des pectoraux et qui diminuent la taille. La vidéo est présentée inversée afin que le stratagème ne soit pas visible au premier regard. De plus, la captation vidéo de l’image augmente le contraste de la photographie projetée de telle sorte que la peau bronzée du torse évoque désormais un quartier de viande. (Voir figure 8.)
Avec Le collectionneur (vidéo en boucle, 2004), un autre type d’association est exploré: un portrait d’Arcimboldo, composé de végétaux, est projeté sur un modèle masculin. Il s’agit de Rodolphe II, son mécène, représenté en Vetumne, une divinité des jardins et des vergers chez les Romains. Il est de face, contrairement aux figures des quatre saisons de cet artiste, qui sont de profil. Le modèle a été choisi en raison de sa pilosité contrastant avec sa peau claire. J’ai recouvert son visage d’un masque d’argile pour accueillir l’image du tableau sur une surface terreuse. Le mouvement de caméra vertical, balayant le modèle de bas en haut, opère un processus de révélation à travers lequel le corps du modèle masculin se fusionne aux fruits de la récolte. En créant une image où l’homme est uni à la matière organique, je présente une relation d’interdépendance harmonieuse au lieu de celle de conquérant de la nature qui prévaut. Cette dernière a eu tant de succès que nous sommes arrivés au bout de la conquête: nous n’avons plus le choix de repenser cette relation puisque notre survie en dépend.
Parallèlement, dans les photographies de ces rencontres, j’ai voulu capter le moment où les deux entités en présence deviennent «autres», où elles se transforment mutuellement. Au départ, la technique était simple, puisque je projetais la diapositive d’une figure peinte sur un modèle. Lors de la prise de vue, les choix techniques permettaient d’amplifier l’effet de fusion. J’explorais la rencontre de la projection d’un personnage historique masculin sur un modèle féminin, une combinaison qui joue avec l’androgynie et qui présente un décalage subtil, alors que l’inverse est de l’ordre du travestissement: il est plus facile de le percevoir au premier regard, surtout si le modèle masculin offre davantage de pilosité et une musculature apparente. D’ailleurs, en 2010, Do, Incarnation 2 a été exposée à la galerie A.I.R. de New York (centre d’artiste féministe) dans le cadre de l’exposition collective ayant pour thème le post-genre et intitulée The Man I Wish I Was. (Voir figure 9.)
Pour jouer avec le portrait d’Henri VIII par Holbein le Jeune, j’ai fait appel à un modèle masculin puisque la carrure du personnage est extraordinairement large et imposante. Les traits du visage peint y sont dessinés (définis par un trait noir fin) et, lorsque l’image est projetée, ils se fondent sur ceux du modèle. J’ai alors substitué au visage l’image d’une tête de félin, plus précisément celle du puma, qui épouse le mieux les proportions humaines. Un animal prédateur et le portrait d’un homme, que l’on pourrait qualifier de souverain, se fusionnent au modèle. L’habit qui permet d’identifier le tableau débordait du modèle: j’ai amplifié la forme avec des grappes de ballons coincées sous les bras, qui donnent un ton parodique à cette représentation du pouvoir. (Voir figure 10.)
À la recherche de tableaux moins connus, je découvre celui de Saint George de Dürer, qui représente saint George tenant la dépouille du dragon vaincu. Celui-ci est représenté de plain-pied avec un visage assez ingrat. J’ai masqué ce visage, projeté le tableau sur un modèle féminin puis une seconde image sur le visage du modèle. Le visage projeté est une image publicitaire présentant un modèle très maquillé et retouché au point où il semble «peint». À la pose passive du guerrier au repos du tableau se substitue celle du modèle levant l’épée au-dessus de sa tête, prêt à abattre l’animal. Pour accentuer l’effet de fusion entre le modèle et les deux images projetées, j’ai situé un éclairage derrière le modèle afin d’illuminer la scène en contre-jour. Pour amplifier le sentiment de verticalité, j’ai posé le modèle féminin sur un miroir, pieds nus et vêtu d’une jupette de plumes peintes. Ces plumes évoquent le lien avec le reptile ailé fantasmagorique et avec notre propre cerveau reptilien. En studio, le modèle tient un bout de tissu aux motifs de peau de serpent pour accueillir la projection de la dépouille du dragon, figure que la chrétienté associe aux forces malfaisantes qu’elle a vaincues (voir Composition 3, 2005). Le dragon, qui symbolise en alchimie la matière brute, est représenté les yeux ouverts: «Robuste, il exerce sa vigilance à l’entrée du jardin des Hespérides dans lequel le Philosophe va chercher son trésor... il ne dort jamais, ce qui prouve son esprit de discrimination et son attachement à l’important: le moment présent, celui qui, seul, mène à l’éveil... Sa seule qualité est d’indiquer une prise de conscience, car il est un gardien.» (Biès, 2020, s. p.) Le fruit gardé par le dragon est la pomme d’or, aliment magique qui représente le résultat du travail intérieur, l’or philosophique qui mène à la sagesse (Biès, 2020, s. p.). L’alchimie est une pratique où la transmutation de la matière est une métaphore du travail de transformation intérieure qui mène à la sagesse. Ici, seule l’apparence du modèle se trouve altérée. Elle est à fleur de peau et évanescente. Le jeu se trouve dans les incarnations successives d’un même modèle, qui revient d’une image à l’autre sans jamais se dévoiler. (Voir figures 11 et 13.)
Selon Roland Barthes (1980), c’est la chimie qui a donné naissance à la photographie, puisqu’elle a permis de fixer l’image de la camera obscura. En studio, le modèle se trouve transformé par la fluidité de la lumière projetée qui épouse les contours de son corps-écran. Ce dernier acquiert une nouvelle identité l’espace de l’instant capté sur le négatif grâce à la chimie. Il y a un décalage entre ce que je vois lors de la prise de vue et l’image sur le négatif. Un décalage qui se trouve amplifié par le détournement de la pellicule, laquelle est développée en procédé croisé[1], et par la grande ouverture du diaphragme, qui aplatit l’espace pour produire l’effet de fusion recherché. Un effet qui permet d’explorer la fluidité des genres et la symbiose entre l’humain et l’animal. Cette image a la qualité de pouvoir surprendre. (Voir figure 12.)
Cette figuration du corps masculin m’a amenée à me questionner sur sa représentation actuelle dans les médias, où foisonnent les photographies de corps sculpturaux. La représentation du torse ressemble au gabarit du plastron du centurion romain. Elle met de l’avant une musculature surdimensionnée répondant à un canon qui ne peut être incarné par tous les types de physionomies, comme c’est déjà le cas avec la représentation du corps féminin.
En résonance avec cette objectification des corps, dans Carnation double (vidéo en boucle, 2004), je réunis des torses masculin et féminin dans une position inversée où les protubérances de l’un animent celles de l’autre, pour jouer avec cette idée du remodelage du corps qui transforme celui-ci en «objet» d’admiration. J’anime l’image avec des mouvements de rotation qui amplifient le volume des pectoraux et qui diminuent la taille. La vidéo est présentée inversée afin que le stratagème ne soit pas visible au premier regard. De plus, la captation vidéo de l’image augmente le contraste de la photographie projetée de telle sorte que la peau bronzée du torse évoque désormais un quartier de viande. (Voir figure 8.)
Avec Le collectionneur (vidéo en boucle, 2004), un autre type d’association est exploré: un portrait d’Arcimboldo, composé de végétaux, est projeté sur un modèle masculin. Il s’agit de Rodolphe II, son mécène, représenté en Vetumne, une divinité des jardins et des vergers chez les Romains. Il est de face, contrairement aux figures des quatre saisons de cet artiste, qui sont de profil. Le modèle a été choisi en raison de sa pilosité contrastant avec sa peau claire. J’ai recouvert son visage d’un masque d’argile pour accueillir l’image du tableau sur une surface terreuse. Le mouvement de caméra vertical, balayant le modèle de bas en haut, opère un processus de révélation à travers lequel le corps du modèle masculin se fusionne aux fruits de la récolte. En créant une image où l’homme est uni à la matière organique, je présente une relation d’interdépendance harmonieuse au lieu de celle de conquérant de la nature qui prévaut. Cette dernière a eu tant de succès que nous sommes arrivés au bout de la conquête: nous n’avons plus le choix de repenser cette relation puisque notre survie en dépend.
Parallèlement, dans les photographies de ces rencontres, j’ai voulu capter le moment où les deux entités en présence deviennent «autres», où elles se transforment mutuellement. Au départ, la technique était simple, puisque je projetais la diapositive d’une figure peinte sur un modèle. Lors de la prise de vue, les choix techniques permettaient d’amplifier l’effet de fusion. J’explorais la rencontre de la projection d’un personnage historique masculin sur un modèle féminin, une combinaison qui joue avec l’androgynie et qui présente un décalage subtil, alors que l’inverse est de l’ordre du travestissement: il est plus facile de le percevoir au premier regard, surtout si le modèle masculin offre davantage de pilosité et une musculature apparente. D’ailleurs, en 2010, Do, Incarnation 2 a été exposée à la galerie A.I.R. de New York (centre d’artiste féministe) dans le cadre de l’exposition collective ayant pour thème le post-genre et intitulée The Man I Wish I Was. (Voir figure 9.)
Pour jouer avec le portrait d’Henri VIII par Holbein le Jeune, j’ai fait appel à un modèle masculin puisque la carrure du personnage est extraordinairement large et imposante. Les traits du visage peint y sont dessinés (définis par un trait noir fin) et, lorsque l’image est projetée, ils se fondent sur ceux du modèle. J’ai alors substitué au visage l’image d’une tête de félin, plus précisément celle du puma, qui épouse le mieux les proportions humaines. Un animal prédateur et le portrait d’un homme, que l’on pourrait qualifier de souverain, se fusionnent au modèle. L’habit qui permet d’identifier le tableau débordait du modèle: j’ai amplifié la forme avec des grappes de ballons coincées sous les bras, qui donnent un ton parodique à cette représentation du pouvoir. (Voir figure 10.)
À la recherche de tableaux moins connus, je découvre celui de Saint George de Dürer, qui représente saint George tenant la dépouille du dragon vaincu. Celui-ci est représenté de plain-pied avec un visage assez ingrat. J’ai masqué ce visage, projeté le tableau sur un modèle féminin puis une seconde image sur le visage du modèle. Le visage projeté est une image publicitaire présentant un modèle très maquillé et retouché au point où il semble «peint». À la pose passive du guerrier au repos du tableau se substitue celle du modèle levant l’épée au-dessus de sa tête, prêt à abattre l’animal. Pour accentuer l’effet de fusion entre le modèle et les deux images projetées, j’ai situé un éclairage derrière le modèle afin d’illuminer la scène en contre-jour. Pour amplifier le sentiment de verticalité, j’ai posé le modèle féminin sur un miroir, pieds nus et vêtu d’une jupette de plumes peintes. Ces plumes évoquent le lien avec le reptile ailé fantasmagorique et avec notre propre cerveau reptilien. En studio, le modèle tient un bout de tissu aux motifs de peau de serpent pour accueillir la projection de la dépouille du dragon, figure que la chrétienté associe aux forces malfaisantes qu’elle a vaincues (voir Composition 3, 2005). Le dragon, qui symbolise en alchimie la matière brute, est représenté les yeux ouverts: «Robuste, il exerce sa vigilance à l’entrée du jardin des Hespérides dans lequel le Philosophe va chercher son trésor... il ne dort jamais, ce qui prouve son esprit de discrimination et son attachement à l’important: le moment présent, celui qui, seul, mène à l’éveil... Sa seule qualité est d’indiquer une prise de conscience, car il est un gardien.» (Biès, 2020, s. p.) Le fruit gardé par le dragon est la pomme d’or, aliment magique qui représente le résultat du travail intérieur, l’or philosophique qui mène à la sagesse (Biès, 2020, s. p.). L’alchimie est une pratique où la transmutation de la matière est une métaphore du travail de transformation intérieure qui mène à la sagesse. Ici, seule l’apparence du modèle se trouve altérée. Elle est à fleur de peau et évanescente. Le jeu se trouve dans les incarnations successives d’un même modèle, qui revient d’une image à l’autre sans jamais se dévoiler. (Voir figures 11 et 13.)
Selon Roland Barthes (1980), c’est la chimie qui a donné naissance à la photographie, puisqu’elle a permis de fixer l’image de la camera obscura. En studio, le modèle se trouve transformé par la fluidité de la lumière projetée qui épouse les contours de son corps-écran. Ce dernier acquiert une nouvelle identité l’espace de l’instant capté sur le négatif grâce à la chimie. Il y a un décalage entre ce que je vois lors de la prise de vue et l’image sur le négatif. Un décalage qui se trouve amplifié par le détournement de la pellicule, laquelle est développée en procédé croisé[1], et par la grande ouverture du diaphragme, qui aplatit l’espace pour produire l’effet de fusion recherché. Un effet qui permet d’explorer la fluidité des genres et la symbiose entre l’humain et l’animal. Cette image a la qualité de pouvoir surprendre. (Voir figure 12.)
Selon Vilém Flusser (2004 [1983]), cette pratique peut être qualifiée d’expérimentale puisqu’elle produit une image qui n’avait pas été prévue par les concepteurs de l’appareil photographique, un appareil qui a été «programmé» pour capter une image qui représente le réel. Avec cette pratique photographique, je me serais donc aménagé un espace de liberté, car, selon Flusser, les pratiques expérimentales interagissant avec des automates programmés (l’appareil photographique en serait un exemple) représentent des prises de liberté. Toujours selon Flusser, de telles photographies ont le pouvoir de nous faire remonter dans le temps de l’image, c’est-à-dire au temps des images traditionnelles qui ont précédé l’image technique qu’est la photographie et qui sont en lien avec la pensée mythique (2004 [1983], p. 18). Grâce à la peinture traditionnelle captée par l’image technique, le tableau rencontre un modèle contemporain et, dans ce processus, le passé et le présent, l’humain et l’animal sont indissociables. Ainsi, des catégories traditionnellement binaires deviennent inclusives, tout comme le passage du modernisme au post-modernisme vu précédemment[2].
Au moment où il me semblait avoir exploré les possibilités offertes par la projection et le développement de la pellicule en procédé croisé, celle-ci a cessé d’être produite: la photographie argentique était déjà en déclin. J’ai alors choisi de travailler avec un appareil numérique. Toutefois, pour effectuer le passage au numérique en respectant ma démarche, je me devais de trouver une stratégie de détournement, cette fois propre aux caractéristiques du capteur. L’une d’entre elles est la fonction d’ajustement automatique des blancs (AWB), qui permet d’obtenir un blanc neutre. Par exemple, en utilisant deux types d’éclairages blancs dans le champ de la prise de vue, l’un chaud et l’autre froid, le capteur les perçoit comme étant orange et bleu. Je détourne ainsi cette fonction et je capte des couleurs qui ne sont pas visibles par l’œil à la prise de vue. De plus, j’ai poursuivi l’approche qui consiste à utiliser une source d’éclairage qui n’est pas conçue pour un studio de photographie. Pour éclairer l’environnement, j’insère un éclairage entre les structures portables et la peau du modèle, de telle sorte que la lumière se situe désormais entre la surface de la peau et une structure translucide. Pour réaliser les structures, mon choix s’est arrêté sur des bouteilles et autres contenants de plastique recyclé, soit un matériau banal qui devient somptueux lorsqu’il est éclairé de l’arrière. Alors que le corps s’efface en contre-jour lorsqu’il est photographié devant un écran, avec le port de ce dispositif d’éclairage, il devient lui aussi une source lumineuse qui s’affiche en présence des écrans. (Voir figure 4.)
Deux structures ont été mises à l’essai. L’une est de style baroque et évoque la forme de la robe portée par Elizabeth Première sur le portrait Ditchley. La structure de bouteilles est étonnamment lourde, ce qui dénote le poids cumulatif que représente la consommation d’un objet léger au fil du temps. Je la porte et prends la pose derrière un grand cadre vide suspendu dans lequel je me substitue à la figure peinte du tableau et je marque ainsi une transition entre ma pratique argentique, où je fais appel à des modèles, et une pratique numérique, où je me photographie. Pour marquer cette transition, mon visage reçoit la projection d’une image publicitaire qui avait été utilisée pour réaliser une œuvre argentique à partir d’un autre portrait de cette figure historique. Les visages ne concordent pas parfaitement et un trouble s’installe lorsque l’image est tirée en grand format (voir Pandore): s’agit-il d’une chirurgie esthétique qui n’a pas eu l’effet escompté? Un second projecteur est situé à l’arrière de la structure de telle sorte qu’elle présente des zones orange et bleues, cernées par la couleur verdâtre de la lampe halogène nue du projecteur arrière: j’évoque le «RVB» qui permet de générer, en combinant le rouge, le vert et le bleu, une gamme de millions de couleurs lumineuses à l’écran et j’affirme ainsi ma transition de l’argentique au numérique. J’ai porté cette structure dans la pénombre du Musée des beaux-arts de Montréal afin d’être la source d’éclairage qui rend visible un tableau: je crée ainsi une relation avec ses personnages. Les œuvres choisies présentent des étapes de la vie: une nativité, un portrait de jeune aristocrate en Astrée et une déposition de croix.
La seconde structure est une coiffe illuminée par deux types de lumière blanche. Elle m’aveugle et sépare, d’une certaine manière, ma tête du reste de mon corps, comme si celle-ci était happée par les réseaux de télécommunications. Je porte une robe à la coupe droite, au fini argenté, et je suis pieds nus parmi une collection d’animaux naturalisés exposés autrefois au Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec). Ici, comme avec les images captées sur pellicule décrites précédemment, j’explore la relation de «continuité», énoncée par Haraway, entre la technologie, évoquée par la lumière électrique, l’humain et l’animal (voir Prométhée 3 et 4 [figure 14]).
Je tente d’entrer en contact et de créer une relation avec ces animaux canadiens (dont certaines espèces sont menacées), figés dans une pose active. Je les éclaire et leur immobilité me permet de les capter parfaitement avec un trépied et une longue exposition. Je me photographie en utilisant l’exposition prolongée afin que la coiffe, réalisée avec une structure métallique d’un luminaire dans laquelle sont insérées des bouteilles, transcende le banal et que les parties mobiles de mon corps deviennent évanescentes: mon personnage mobile acquiert ainsi de la transparence, ce qui crée un contraste avec la netteté des animaux naturalisés. Je porte une tunique argentée qui réfléchit la lumière. Ces accessoires me situent hors du présent, dans un futur incertain où l’animal est une relique. La série s’intitule Prométhée. J’incarne une nouvelle version du mythe dans laquelle l’électricité, le talon d’Achille des technologies numériques, se substitue au feu.
Pour la vaste majorité de la population, l’animal dit sauvage ne représente plus une menace. C’est plutôt notre mode de vie qui menace sa survie puisque l’espèce humaine et ses animaux domestiqués (pour l’élevage et la compagnie) composent plus de 90% de la masse animale planétaire (Harari, 2015). L’activité humaine est responsable du déclin accéléré de la biodiversité. Plus de 60% de la population animale aurait disparu depuis les années 70, selon le Fonds mondial pour la nature (Carrington, 2018, s. p.). Avec une nouvelle structure constituée de 100 animaux en peluche recyclée, j’ai traduit dans l’espace les statistiques du déclin de la population animale: 89% en Amérique centrale et du Sud, au cours des 40 dernières années. Sur une structure reprenant la forme d’une robe à paniers, j’ai attaché 84 peluches évidées (le nombre publié au moment de la réalisation de la structure en 2015 était de 84% ; désormais il est de 89%) et les autres, intactes, sont perchées sur les épaules et la coiffe pour s’y réfugier et échapper au cataclysme. Notre sort est-il lié à celui de ces espèces? Certainement. Dans Staying with the Trouble, Haraway nous incite à ne pas nous apitoyer sur le passé et à faire le deuil de ce dernier, à aller de l’avant pour imaginer de nouvelles relations avec les espèces: des relations de coexistence entre innovations technologiques, entre-aide communautaire et préservation des habitats (voir Robe du déclin de la population animale [figures 15 et 16]).
En 2011, en préparation à une résidence à New York, j’ai réalisé, dans le cadre d’une autre résidence d’artiste dans une école primaire du quartier Maisonneuve à Montréal, une structure portable qui m’a permis de flotter à partir de bouteilles de plastique recyclées. La structure était destinée à me faire flotter dans un cours d’eau à New York, le concept étant d’être prête dans l’éventualité où le niveau de l’eau viendrait à monter soudainement. Ce projet a été réalisé dans le cadre d’une résidence attribuée par le Lower Manhattan Cultural Council à l’île Governors, un organisme situé dans un quartier propice aux inondations. Cette structure flottante est inspirée par celle de Pandore: à la verticale, elle devient une jupe. Toutefois, elle est composée d’une série de sections, un peu comme des pétales, qui se soulèvent pour flotter lorsque je suis immergée. Avant mon départ pour New York, je photographie cette structure au Québec sur la surface enneigée d’une piscine. Mon objectif est de créer une forme d’igloo en enroulant la jupe autour de mon cou et en recouvrant mon visage avec la coiffe. Toutefois, lors de la prise de vue, une autre forme émerge et me surprend. Celle-ci évoque une méduse. (Voir figures 17 et 18.)
Mon studio est situé sur l’île Governors et la vue donne sur les gratte-ciels du quartier financier de New York, dont la tour en reconstruction du World Trade Center. Sur cette île calme, je suis isolée des bruits de la ville. J’y observe les tours, dont l’architecture varie: les plus anciennes ont des fenêtres qui peuvent (ou pouvaient) s’ouvrir. Les plus récentes sont lisses avec une surface de verre réfléchissante, comme des verres fumés miroir, sur laquelle le regard s’arrête. Elles offrent un environnement artificiel isolé du monde extérieur, comparable à un aquarium géant. Je visite l’aquarium et le zoo de New York, mais cette piste ne porte pas fruit. Entre-temps, j’accumule des contenants d’œufs de plastique et de laitue avec lesquels je fabrique une tour portable et protectrice qui rappelle le scaphandre. (Voir figure 4.) Je réalise alors que je me suis munie d’un exosquelette. Un peu comme un insecte, j’ai une carapace qui me protège mieux de l’environnement que la peau. Il n’y a qu’un pas à franchir pour me transformer en insecte afin de mieux m’adapter, de me protéger des changements climatiques: tel le cafard, je serai une espèce résiliente dans un environnement hostile. Contrairement à Georges Samsa, le protagoniste de La métamorphose de Kafka, cette transformation me permettra de survivre. Évidemment, cette approche est ludique et son idée a émergé dans un contexte où aucune mesure n’est prise pour ralentir ces changements.
Dans cette série de photographies et de vidéos, Migrations des arthropodes, je m’inspire de l’exosquelette d’un insecte, une forme de vie animale, pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne que j’anticipe lorsque le climat aura changé. La série de photographies et la vidéo sont une interprétation ironique de mon quotidien dans 40 ans, un quotidien qui consiste à aller au travail (au studio) et, si la situation le demande, à être en mesure de flotter. Dans un contexte de pandémie causée par un coronavirus, la première structure, le scaphandre, que je porte pour aller travailler, me protégerait de la contamination. (Voir figure 4.) La vidéo a été présentée à plusieurs reprises à New York, notamment à Times Square à l’automne 2019, pour l’ouverture du Garment District Festival, où son esthétique se démarquait de celle des images publicitaires (Migrations des arthropodes la vidéo, 5 min 20 s, 2012; voir figures 19 et 20).
Au moment où il me semblait avoir exploré les possibilités offertes par la projection et le développement de la pellicule en procédé croisé, celle-ci a cessé d’être produite: la photographie argentique était déjà en déclin. J’ai alors choisi de travailler avec un appareil numérique. Toutefois, pour effectuer le passage au numérique en respectant ma démarche, je me devais de trouver une stratégie de détournement, cette fois propre aux caractéristiques du capteur. L’une d’entre elles est la fonction d’ajustement automatique des blancs (AWB), qui permet d’obtenir un blanc neutre. Par exemple, en utilisant deux types d’éclairages blancs dans le champ de la prise de vue, l’un chaud et l’autre froid, le capteur les perçoit comme étant orange et bleu. Je détourne ainsi cette fonction et je capte des couleurs qui ne sont pas visibles par l’œil à la prise de vue. De plus, j’ai poursuivi l’approche qui consiste à utiliser une source d’éclairage qui n’est pas conçue pour un studio de photographie. Pour éclairer l’environnement, j’insère un éclairage entre les structures portables et la peau du modèle, de telle sorte que la lumière se situe désormais entre la surface de la peau et une structure translucide. Pour réaliser les structures, mon choix s’est arrêté sur des bouteilles et autres contenants de plastique recyclé, soit un matériau banal qui devient somptueux lorsqu’il est éclairé de l’arrière. Alors que le corps s’efface en contre-jour lorsqu’il est photographié devant un écran, avec le port de ce dispositif d’éclairage, il devient lui aussi une source lumineuse qui s’affiche en présence des écrans. (Voir figure 4.)
Deux structures ont été mises à l’essai. L’une est de style baroque et évoque la forme de la robe portée par Elizabeth Première sur le portrait Ditchley. La structure de bouteilles est étonnamment lourde, ce qui dénote le poids cumulatif que représente la consommation d’un objet léger au fil du temps. Je la porte et prends la pose derrière un grand cadre vide suspendu dans lequel je me substitue à la figure peinte du tableau et je marque ainsi une transition entre ma pratique argentique, où je fais appel à des modèles, et une pratique numérique, où je me photographie. Pour marquer cette transition, mon visage reçoit la projection d’une image publicitaire qui avait été utilisée pour réaliser une œuvre argentique à partir d’un autre portrait de cette figure historique. Les visages ne concordent pas parfaitement et un trouble s’installe lorsque l’image est tirée en grand format (voir Pandore): s’agit-il d’une chirurgie esthétique qui n’a pas eu l’effet escompté? Un second projecteur est situé à l’arrière de la structure de telle sorte qu’elle présente des zones orange et bleues, cernées par la couleur verdâtre de la lampe halogène nue du projecteur arrière: j’évoque le «RVB» qui permet de générer, en combinant le rouge, le vert et le bleu, une gamme de millions de couleurs lumineuses à l’écran et j’affirme ainsi ma transition de l’argentique au numérique. J’ai porté cette structure dans la pénombre du Musée des beaux-arts de Montréal afin d’être la source d’éclairage qui rend visible un tableau: je crée ainsi une relation avec ses personnages. Les œuvres choisies présentent des étapes de la vie: une nativité, un portrait de jeune aristocrate en Astrée et une déposition de croix.
La seconde structure est une coiffe illuminée par deux types de lumière blanche. Elle m’aveugle et sépare, d’une certaine manière, ma tête du reste de mon corps, comme si celle-ci était happée par les réseaux de télécommunications. Je porte une robe à la coupe droite, au fini argenté, et je suis pieds nus parmi une collection d’animaux naturalisés exposés autrefois au Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec). Ici, comme avec les images captées sur pellicule décrites précédemment, j’explore la relation de «continuité», énoncée par Haraway, entre la technologie, évoquée par la lumière électrique, l’humain et l’animal (voir Prométhée 3 et 4 [figure 14]).
Je tente d’entrer en contact et de créer une relation avec ces animaux canadiens (dont certaines espèces sont menacées), figés dans une pose active. Je les éclaire et leur immobilité me permet de les capter parfaitement avec un trépied et une longue exposition. Je me photographie en utilisant l’exposition prolongée afin que la coiffe, réalisée avec une structure métallique d’un luminaire dans laquelle sont insérées des bouteilles, transcende le banal et que les parties mobiles de mon corps deviennent évanescentes: mon personnage mobile acquiert ainsi de la transparence, ce qui crée un contraste avec la netteté des animaux naturalisés. Je porte une tunique argentée qui réfléchit la lumière. Ces accessoires me situent hors du présent, dans un futur incertain où l’animal est une relique. La série s’intitule Prométhée. J’incarne une nouvelle version du mythe dans laquelle l’électricité, le talon d’Achille des technologies numériques, se substitue au feu.
Pour la vaste majorité de la population, l’animal dit sauvage ne représente plus une menace. C’est plutôt notre mode de vie qui menace sa survie puisque l’espèce humaine et ses animaux domestiqués (pour l’élevage et la compagnie) composent plus de 90% de la masse animale planétaire (Harari, 2015). L’activité humaine est responsable du déclin accéléré de la biodiversité. Plus de 60% de la population animale aurait disparu depuis les années 70, selon le Fonds mondial pour la nature (Carrington, 2018, s. p.). Avec une nouvelle structure constituée de 100 animaux en peluche recyclée, j’ai traduit dans l’espace les statistiques du déclin de la population animale: 89% en Amérique centrale et du Sud, au cours des 40 dernières années. Sur une structure reprenant la forme d’une robe à paniers, j’ai attaché 84 peluches évidées (le nombre publié au moment de la réalisation de la structure en 2015 était de 84% ; désormais il est de 89%) et les autres, intactes, sont perchées sur les épaules et la coiffe pour s’y réfugier et échapper au cataclysme. Notre sort est-il lié à celui de ces espèces? Certainement. Dans Staying with the Trouble, Haraway nous incite à ne pas nous apitoyer sur le passé et à faire le deuil de ce dernier, à aller de l’avant pour imaginer de nouvelles relations avec les espèces: des relations de coexistence entre innovations technologiques, entre-aide communautaire et préservation des habitats (voir Robe du déclin de la population animale [figures 15 et 16]).
En 2011, en préparation à une résidence à New York, j’ai réalisé, dans le cadre d’une autre résidence d’artiste dans une école primaire du quartier Maisonneuve à Montréal, une structure portable qui m’a permis de flotter à partir de bouteilles de plastique recyclées. La structure était destinée à me faire flotter dans un cours d’eau à New York, le concept étant d’être prête dans l’éventualité où le niveau de l’eau viendrait à monter soudainement. Ce projet a été réalisé dans le cadre d’une résidence attribuée par le Lower Manhattan Cultural Council à l’île Governors, un organisme situé dans un quartier propice aux inondations. Cette structure flottante est inspirée par celle de Pandore: à la verticale, elle devient une jupe. Toutefois, elle est composée d’une série de sections, un peu comme des pétales, qui se soulèvent pour flotter lorsque je suis immergée. Avant mon départ pour New York, je photographie cette structure au Québec sur la surface enneigée d’une piscine. Mon objectif est de créer une forme d’igloo en enroulant la jupe autour de mon cou et en recouvrant mon visage avec la coiffe. Toutefois, lors de la prise de vue, une autre forme émerge et me surprend. Celle-ci évoque une méduse. (Voir figures 17 et 18.)
Mon studio est situé sur l’île Governors et la vue donne sur les gratte-ciels du quartier financier de New York, dont la tour en reconstruction du World Trade Center. Sur cette île calme, je suis isolée des bruits de la ville. J’y observe les tours, dont l’architecture varie: les plus anciennes ont des fenêtres qui peuvent (ou pouvaient) s’ouvrir. Les plus récentes sont lisses avec une surface de verre réfléchissante, comme des verres fumés miroir, sur laquelle le regard s’arrête. Elles offrent un environnement artificiel isolé du monde extérieur, comparable à un aquarium géant. Je visite l’aquarium et le zoo de New York, mais cette piste ne porte pas fruit. Entre-temps, j’accumule des contenants d’œufs de plastique et de laitue avec lesquels je fabrique une tour portable et protectrice qui rappelle le scaphandre. (Voir figure 4.) Je réalise alors que je me suis munie d’un exosquelette. Un peu comme un insecte, j’ai une carapace qui me protège mieux de l’environnement que la peau. Il n’y a qu’un pas à franchir pour me transformer en insecte afin de mieux m’adapter, de me protéger des changements climatiques: tel le cafard, je serai une espèce résiliente dans un environnement hostile. Contrairement à Georges Samsa, le protagoniste de La métamorphose de Kafka, cette transformation me permettra de survivre. Évidemment, cette approche est ludique et son idée a émergé dans un contexte où aucune mesure n’est prise pour ralentir ces changements.
Dans cette série de photographies et de vidéos, Migrations des arthropodes, je m’inspire de l’exosquelette d’un insecte, une forme de vie animale, pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne que j’anticipe lorsque le climat aura changé. La série de photographies et la vidéo sont une interprétation ironique de mon quotidien dans 40 ans, un quotidien qui consiste à aller au travail (au studio) et, si la situation le demande, à être en mesure de flotter. Dans un contexte de pandémie causée par un coronavirus, la première structure, le scaphandre, que je porte pour aller travailler, me protégerait de la contamination. (Voir figure 4.) La vidéo a été présentée à plusieurs reprises à New York, notamment à Times Square à l’automne 2019, pour l’ouverture du Garment District Festival, où son esthétique se démarquait de celle des images publicitaires (Migrations des arthropodes la vidéo, 5 min 20 s, 2012; voir figures 19 et 20).
Parallèlement à cette pratique performative, je réalise des photographies de collages à partir de reproductions des planches botaniques issues de la série Insectes du Surinam de Maria S. Merian ainsi qu’une animation, Insectes du Surinam in vitro (présentée à Times Square, en février 2020). Guidée par les autochtones du Surinam, Merian a documenté, pour la première fois par le biais de planches botaniques, les insectes aux différentes phases de leur transformation sur leurs habitats végétaux (Schmidt-Loske, 2009). Sur les reproductions de ces gravures en couleur, je mets en scène des portions de corps que je découpe de magazines de manière organique pour créer des êtres hybrides. Je privilégie les représentations de corps remodelés dont la texture évoque des cultures de chair en laboratoire (réalisées sur des structures organiques pour des greffes d’organes). Je travaille essentiellement avec des portions de corps masculins, ayant été témoin, ces dernières décennies, de l’établissement normatif d’un canon esthétique de la musculature du torse. Puis, je photographie le collage éclairé à travers des contenants recyclés pour animer le fond blanc des planches et simuler une canopée. L’impression de l’image captée sur du papier mat a pour effet d’unifier les sources d’images (Insectes du Surinam 4; voir figures 21 à 30).
En 2013, pour Insectes du Surinam 20, j’imprime la plante représentée sur la planche botanique de Merian en plus grand format, pour qu’elle puisse abriter des humains lilliputiens. À ces derniers, j’associe des illustrations de petits avions pour évoquer des drones miniatures dont les formes sont inspirées par celles des insectes. En 2017, avec Insectes du Surinam 23, l’arbre devient surpeuplé et j’introduis des découpes de montres puisque nous n’avons plus de temps à perdre pour changer de cap et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les figures sont surtout masculines, puisque les hommes sont toujours les détenteurs du pouvoir décisionnel. Insectes du Surinam 25 et 26 présentent des femmes affublées d’une musculature démesurée et munies de scaphandres réalisés avec des cadrans de montres: sont-elles mieux équipées pour briser le plafond de verre? Dans Insectes du Surinam 28 s’enchevêtrent en une seule figure des bustes féminin et masculin; un torse velu à la chair claire, tiré d’un magazine britannique, s’harmonise avec la carnation du mannequin qui ressemble à une dame de la Renaissance d’un grand maître italien. L’esthétique de cette œuvre renoue avec celle des premières projections sur modèle décrites précédemment.
Pour unifier davantage les éléments des figures hybrides, j’introduis le dessin à l’encre sur le collage. Avec cette technique, j’explore de nouveaux thèmes, tels ceux de l’homme en gestation (Insectes du Surinam 30-32) et de l’homme de couleur prisonnier ici d’une grille créée par l’éclairage (Insectes du Surinam 29), qui nous renvoie au taux d’incarcération beaucoup plus élevé de ceux-ci, aux États-Unis, lorsque comparé à celui des hommes blancs[3]. À l’automne 2017, les résultats d’une étude recensent une diminution de 90% de la quantité d’insectes en Allemagne. Cette baisse serait due à l’épandage généralisé de pesticides. Il n’y aurait donc que quelques espèces qui survivront aux changements climatiques: celles en milieu urbain et les très résilientes. Ce déclin m’incite à explorer la représentation des insectes pollinisateurs, et je débute une nouvelle série, tout en poursuivant celle amorcée avec les planches botaniques de Merian.
En 2018-2019, lors d’un séjour de création au Fab Lab de la bibliothèque de Brossard (soutenu par le CALQ, bourse régionale en partenariat avec l’agglomération de Longueuil), je réalise l’impression 3D d’abeilles et j’expérimente avec la découpe laser. Avec cette dernière, je découpe le contour des éléments des planches botaniques avant de réaliser les collages, pour ensuite photographier et imprimer ceux-ci. Puis, je les assemble, et, grâce à la rigidité d’un exosquelette de plexiglas épousant le contour de l’image, elles sont «greffées» ensemble: un arbre de vie est ainsi créé (Insectes du Surinam 34 et 35; voir figures 31 à 37).
Pour unifier davantage les éléments des figures hybrides, j’introduis le dessin à l’encre sur le collage. Avec cette technique, j’explore de nouveaux thèmes, tels ceux de l’homme en gestation (Insectes du Surinam 30-32) et de l’homme de couleur prisonnier ici d’une grille créée par l’éclairage (Insectes du Surinam 29), qui nous renvoie au taux d’incarcération beaucoup plus élevé de ceux-ci, aux États-Unis, lorsque comparé à celui des hommes blancs[3]. À l’automne 2017, les résultats d’une étude recensent une diminution de 90% de la quantité d’insectes en Allemagne. Cette baisse serait due à l’épandage généralisé de pesticides. Il n’y aurait donc que quelques espèces qui survivront aux changements climatiques: celles en milieu urbain et les très résilientes. Ce déclin m’incite à explorer la représentation des insectes pollinisateurs, et je débute une nouvelle série, tout en poursuivant celle amorcée avec les planches botaniques de Merian.
En 2018-2019, lors d’un séjour de création au Fab Lab de la bibliothèque de Brossard (soutenu par le CALQ, bourse régionale en partenariat avec l’agglomération de Longueuil), je réalise l’impression 3D d’abeilles et j’expérimente avec la découpe laser. Avec cette dernière, je découpe le contour des éléments des planches botaniques avant de réaliser les collages, pour ensuite photographier et imprimer ceux-ci. Puis, je les assemble, et, grâce à la rigidité d’un exosquelette de plexiglas épousant le contour de l’image, elles sont «greffées» ensemble: un arbre de vie est ainsi créé (Insectes du Surinam 34 et 35; voir figures 31 à 37).
Parallèlement, je dessine des espèces en péril. D’abord, je découpe des papillons monarques en plexiglas pour réaliser une installation dans laquelle c’est l’ombre de l’essaim portée aux murs qui illustre leur déclin (déclin de 90% de la population[4], suivi d’un regain récent [Fallon, 2019, s. p.]). Puis, je dessine des abeilles sauvages pour les graver sur du plexiglas afin de projeter leurs ombres. Le résultat me satisfaisant peu, je poursuis la recherche. Sur de nouveaux dessins qui interprètent plus librement leur anatomie, je réalise des collages que je photographie pour ensuite en découper les contours au laser. L’image de référence qui guide le dessin est celle d’une abeille sauvage épinglée dont les pattes semblent figées, comme si elle était en train de courir. Le collage permet d’introduire au sein de l’image des éléments humains, les protagonistes de leur déclin, pour créer un insecte «augmenté», dont le nouvel exosquelette lui procure l’élan nécessaire pour s’échapper. Lorsque plusieurs photographies de collages sur les dessins d’espèces d’abeilles sauvages en péril seront accrochées au mur, elles vont donner l’impression que les insectes fuient en courant et en volant dans la même direction. Mais où aller se réfugier? «Right now, the earth is full of refugees, human and not, without refuge», écrit Haraway (2016, p. 100). Notre sort est lié au leur: nous avons perdu et allons perdre des espèces et des populations. Il s’agit de l’amorce d’une série, puisqu’il y a plus de 90 espèces d’insectes et plus de 90 espèces d’oiseaux en péril au Canada, pour un total de plus de 350 espèces animales.
Mon défi consiste désormais à transmettre le sentiment d’empathie qui est né de l’acte de dessiner des espèces en péril. C’est après avoir identifié l’émergence de cette émotion que je me suis tournée vers Haraway, qui, dans son dernier ouvrage, présente le Crochet Coral Reef, un projet artistique collaboratif de Christine et Margaret Wertheim (voir Wertheim, 2009, s. p.) débuté en 2005 et qui a la particularité d’être participatif. Notons que Wertheim est aussi mathématicienne. Les deux sœurs ont adapté un modèle mathématique de l’espace hyperbolique pour rendre tangible et tactile la géométrie unique des coraux. Depuis, plus de 8 000 personnes issues de 27 pays, principalement des femmes, ont participé à la création au crochet de récifs coralliens réalisés avec des matériaux usuels (coton et laine) ou recyclés (sacs de plastique, bandes enregistrées et tout ce qui peut être crocheté). Les communautés ainsi formées développent un lien d’empathie pour les récifs, alors qu’elles ne les côtoient pas physiquement, selon Haraway: «Intimacy without proximity is not “virtual” presence; it is “real” presence, but in loopy materialities.» (2016, p. 79) Et, toujours selon Haraway, lors de son exposition, cette œuvre a le potentiel d’être une étape dans l’éveil de la conscience du public et d’inciter au changement: «a presence without disturbing the critters that animate the project, but with the potential for being part of work and play for confronting the exterminationist, trashy, greedy practices of global industrial economies and cultures[5]» (2016, p. 79). Les récifs coralliens sont menacés par l’acidification et le réchauffement des océans; ils sont riches en biodiversité et 250 millions de personnes en dépendent pour se nourrir (pensons à la pêche de subsistance). (Voir figures 38 à 43.)
Mon défi consiste désormais à transmettre le sentiment d’empathie qui est né de l’acte de dessiner des espèces en péril. C’est après avoir identifié l’émergence de cette émotion que je me suis tournée vers Haraway, qui, dans son dernier ouvrage, présente le Crochet Coral Reef, un projet artistique collaboratif de Christine et Margaret Wertheim (voir Wertheim, 2009, s. p.) débuté en 2005 et qui a la particularité d’être participatif. Notons que Wertheim est aussi mathématicienne. Les deux sœurs ont adapté un modèle mathématique de l’espace hyperbolique pour rendre tangible et tactile la géométrie unique des coraux. Depuis, plus de 8 000 personnes issues de 27 pays, principalement des femmes, ont participé à la création au crochet de récifs coralliens réalisés avec des matériaux usuels (coton et laine) ou recyclés (sacs de plastique, bandes enregistrées et tout ce qui peut être crocheté). Les communautés ainsi formées développent un lien d’empathie pour les récifs, alors qu’elles ne les côtoient pas physiquement, selon Haraway: «Intimacy without proximity is not “virtual” presence; it is “real” presence, but in loopy materialities.» (2016, p. 79) Et, toujours selon Haraway, lors de son exposition, cette œuvre a le potentiel d’être une étape dans l’éveil de la conscience du public et d’inciter au changement: «a presence without disturbing the critters that animate the project, but with the potential for being part of work and play for confronting the exterminationist, trashy, greedy practices of global industrial economies and cultures[5]» (2016, p. 79). Les récifs coralliens sont menacés par l’acidification et le réchauffement des océans; ils sont riches en biodiversité et 250 millions de personnes en dépendent pour se nourrir (pensons à la pêche de subsistance). (Voir figures 38 à 43.)
Inspirée par le projet des sœurs Wertheim, Haraway s’interroge sur l’attitude à adopter pour aborder le déclin local et national des espèces: «Material play builds caring publics» (2016, p. 79). Le contact avec la matière semble incontournable pour créer un lien d’empathie. Je me questionne: devrais-je, par exemple, impliquer des étudiants du secondaire et leur faire représenter toutes les espèces en péril au Canada? Puis inclure, dans cette démarche, l’identification des facteurs qui les fragilisent? La création de liens semble primordiale pour établir une relation plus équilibrée entre les espèces. Au cours de 2020, j’ai amorcé la représentation des espèces en péril en me concentrant d’abord sur les espèces vulnérables au Québec et dans l’État de New York. Je dessine un spécimen, puis je réalise un collage qui épouse celui-ci et je les superpose en jouant sur l’interaction entre le dessin et les découpes d’images d’hommes et de femmes tirés de magazines imprimés, qui sont eux aussi en déclin. L’oiseau étant un symbole de liberté, il se prête, dans ma démarche, à une association avec des personnes de couleur. Je mets donc en relation des questions environnementales et sociales, qui sont interreliées puisqu’il y a des iniquités entre les quartiers aisés et défavorisés sur le plan de la qualité de l’air dans le South Bronx, et ici, dans le quartier Saint-Michel, qui a été plus touché par la pandémie. J’ai exposé cette série Silent Spring à New York, à l’automne, alors qu’elle était prévue au printemps avec des ateliers de dessin où le public aurait été invité à venir dessiner des espèces en péril. Je vais proposer cette activité au printemps 2021 de manière virtuelle dans le cadre d’expositions au Québec, qui seront accompagnées d’activités de médiation et j’en diffuserai les coordonnées sur la page d’accueil de mon site (voir www.dominiquepaul.net et la section «links» pour un texte critique de Silent Spring, ainsi que @dominiquepaulartist). Cet atelier va-t-il contribuer à sensibiliser les citoyens au déclin de la biodiversité? Quel est le pas à franchir pour instaurer un changement des comportements pour diminuer, par exemple, la consommation de viande et rétablir des habitats en limitant les superficies cultivées pour nourrir le bétail et en soutenant une agriculture qui utilise moins de pesticides? Je ferai confiance au processus et, pendant qu’il est encore temps d’agir, il est important que chacun le fasse à sa façon.
Notes
[1] Le procédé croisé ou cross process consiste à développer la pellicule d’un film de diapositive couleur avec le procédé chimique du film négatif couleur (l’inverse peut aussi être fait). Le contraste et l’intensité des couleurs sont ainsi amplifiés.
[2] Voir l’essai de l’auteure, Entre chair et lumière: de la possibilité d’une distance critique par l’objet-image (L’Harmattan, 2019), pour une description plus complète et une mise à jour de la pensée de Flusser prenant pour appui Software Takes Command de Lev Manovich (2013) et le concept de perspective numérique énoncé par Olivier Auber (2004).
[3] «Though African Americans and Hispanics make up approximately 32% of the US population, they comprised 56% of all incarcerated people in 2015.» (NAAPC, 2020, s. p.)
[4] «These iconic beauties (monarch butterflies) have plummeted by 90 percent in the past 20 years. We petitioned to protect them.» (Center for Biological Diversity, 2020, s. p.)
[5] Dans cette citation, Haraway se réfère au titre de l’article de Jacob Metcalf. 2008. «Intimacy without Proximity: Encountering Grizzlies as a Companion Species». Environmental Philosophy, vol. 5, no 2, p. 99-128.
[2] Voir l’essai de l’auteure, Entre chair et lumière: de la possibilité d’une distance critique par l’objet-image (L’Harmattan, 2019), pour une description plus complète et une mise à jour de la pensée de Flusser prenant pour appui Software Takes Command de Lev Manovich (2013) et le concept de perspective numérique énoncé par Olivier Auber (2004).
[3] «Though African Americans and Hispanics make up approximately 32% of the US population, they comprised 56% of all incarcerated people in 2015.» (NAAPC, 2020, s. p.)
[4] «These iconic beauties (monarch butterflies) have plummeted by 90 percent in the past 20 years. We petitioned to protect them.» (Center for Biological Diversity, 2020, s. p.)
[5] Dans cette citation, Haraway se réfère au titre de l’article de Jacob Metcalf. 2008. «Intimacy without Proximity: Encountering Grizzlies as a Companion Species». Environmental Philosophy, vol. 5, no 2, p. 99-128.
Médiagraphie
Auber, Olivier. 2004. «Esthétique de la perspective numérique». Journal of Hyper(+)drome. Manifestation: Collaborative Filtering, no 1, p. 1-10. En ligne. http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=EsthetiquePerspectiveNumerique.
Barthes, Roland. 1980. La chambre claire: note sur la photographie. Paris : Seuil, 192 p.
Biès, Rolande. 2020. «1997: la lettre de septembre». Espace francophone jungien. En ligne. https://www.cgjung.net/alchimie/1997/septembre.htm.
Bureaud Annick et Nathalie Magnan (dir.). 2002. Connexions: art, réseaux, média. Paris: École nationale supérieure des beaux-arts, 642 p.
Carrington, Damian. 2018. «Humanity Has Wiped Out 60% of Animal Populations Since 1970, Report Finds». The Guardian, 30 octobre. En ligne. https://www.theguardian.com/environment/2018/oct/30/humanity-wiped-out-animals-since-1970-major-report-finds.
Center for Biological Diversity. 2020. «Saving the Monarch Butterfly». Center for Biological Diversity. En ligne. https://www.biologicaldiversity.org/species/invertebrates/monarch_butterfly/.
Fallon, Sylvia. 2019. «Monarch Butterfly Numbers Are Up! And Down...». NRDC, 31 janvier. En ligne. https://www.nrdc.org/experts/sylvia-fallon/monarch-butterfly-numbers-are-and-down.
Flusser, Vilém. 2004 [1983]. Pour une philosophie de la photographie. Paris: Circé, 87 p.
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