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Revue Zizanie

Espace, mobilité et désordre — vol. 1, no 1, automne 2017

Conflits narratifs et politiques dans l’espace francophone
Dossier

Quel avenir pour la Francophonie?
Par Simon Harel et Marie-Christine Lambert-Perreault

Est-il encore pertinent de parler de la Francophonie? Ne s’agit-il pas de l’une de ces expressions usées à la corde, juste bonne à utiliser dans les discours politiques de géopolitique internationale? En fait, la Francophonie n’intéresse-t-elle pas avant tout le Québec-Canada et les sociétés du Sud global qui y voient l’occasion de tisser de nouvelles alliances politiques et économiques? Et puis, la Francophonie, n’est-ce pas encore l’identité des langues, l’illusion d’une identité commune qui est fondée sur une plateforme langagière qui remplace les affirmations d’appartenance fondées sur l’identité nationale ou ethnique?

Les questions posées sont par dessein pessimistes. Elles relèvent d’un cadre de pensée restrictif qui n’est pas en mesure d’imaginer, comme il le faudrait pourtant, de nouvelles alliances qui s’affirment imaginatives, inventives.

Du temps de Frantz Fanon et d’Albert Memmi, la francophonie était une cause perdue, mais elle était aussi un espace révolutionnaire. Lors de l’élection du Parti québécois en 1976, la francophonie en acte, représentée par l’adoption de la loi 101, a marqué un jalon important de ces nordicités subversives. Aujourd’hui, le Québec se trouve à la croisée des chemins.

Ainsi, il est question d’interculturalité, de dialogues entre communautés culturelles, d’hybridité, d’accommodements raisonnables… Tout ne se fait pas toujours dans la plus grande harmonie, et c’est tant mieux. Des artistes québécois (œuvrant dans les domaines du multimédia, du jeu vidéo, de la danse, des arts visuels ou du cirque) percent par ailleurs à l’étranger, de Londres à Singapour, créant dans l’espace vivant d’une francophonie inventée qui a accepté de laisser tomber le carcan identitaire d’une langue fétiche traduisant un francocentrisme désuet.

Plutôt que de s’en remettre aux restes d’un patrimoine culturel qu’il faudrait honorer, la francophonie n’a-t-elle pas pour enjeu politique et institutionnel explicite d’interroger, dans la plus grande urgence, cette scénographie postcoloniale qui l’empêche d’émerger? C’est en mettant en lumière les conflits narratifs et politiques animant l’espace francophone que les autrices et auteurs de ce dossier veulent (re)penser la Francophonie.

Pour Ching Selao, de la polémique faisant suite à la publication du manifeste «Pour une littérature-monde en français» à l’affaire Monique LaRue, «les concepts de francophonie et de migrance, quoique problématiques, n’en ont pas moins contribué à la reconnaissance des écritures de “l’autre”, au point où certains spécialistes de ces littératures en sont maintenant à s’interroger sur la “récupération” institutionnelle des marges.»

Selon Catherine Leclerc, le portrait de la francophonie qui se profile dans Petites difficultés d’existence de France Daigle et La traduction est une histoire d’amour de Jacques Poulin «est celui d’une instance inhibitrice et hiérarchisée», à laquelle les personnages adhèrent et résistent, et dont il convient d’interroger les conséquences à l’heure où le français perd du terrain dans l’espace littéraire mondial. Emmanuelle Tremblay examine pour sa part «la tension qui détermine les rapports entre la mémoire [de l’acadianité] et la pratique poétique d’Herménégilde Chiasson [notamment dans Climats (1996)], laquelle s’inscrit dans l’horizon revendiqué de la modernité.»

Subha Xavier analyse quant à elle le motif de l’éros dans le roman Femme nue, femme noire (2003) de l’écrivaine afro-française Calixthe Beyala, «allumeuse [tant] politique que sexuelle» développant «un féminisme transcontinental tout en exploitant une esthétique voyeuriste qui assure des recettes de vente impressionnantes.» Khalil Khalsi se demande enfin en quoi la perception métaphysique et spirituelle de l’exil qui transparaît dans Phantasia (1986) de l’écrivain français d’origine tunisienne Abdelwahab Meddeb influence la formation de la subjectivité narrative et témoigne de l’agentivité de l’écrivain, dont l’œuvre participe d’une littérature-monde permettant de «faire revivre son propre patrimoine culturel au contact des autres civilisations».

​Responsables

Simon Harel (Université de Montréal)
Marie-Christine Lambert-Perreault (Université du Québec à Montréal)

Articles

«De la marge au centre: la “littérature-monde” et les écritures migrantes»
Ching Selao (Université du Vermont)

«Hiérarchies et inhibitions francophones: quelques exemples empruntés à France Daigle et à Jacques Poulin»
Catherine Leclerc (Université McGill)

«Contre la folklorisation: la mémoire du blanc chez Herménégilde Chiasson»
Emmanuelle Tremblay (Université de Moncton)

«Entre féminisme et voyeurisme: l’éros migrant chez Calixthe Beyala»
Subha Xavier (Emory University)

«Cosmopolitisme et littérature-monde chez Abdelwahab Meddeb: une pensée mystique»
Khalil Khalsi (Université de Montréal)


Texte introductif téléchargeable ici:
Harel & Lambert-Perreault - Zizanie A17a
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Notices biobliographiques

Simon Harel  est professeur titulaire au Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal. Il dirige le Laboratoire sur les récits du soi mobile (LRSM), lieu de convergence médiatique et culturel où les chercheurs et partenaires travaillent avec des outils de captation audiovisuelle pour cerner les réalités et les enjeux de l’espace. Il est codirecteur du Centre de recherche des études littéraires et culturelles sur la planétarité (Université de Montréal). À l’orée du développement du Campus MIL de l’Université de Montréal, le Catalyseur d’imaginaires urbains (CIU), infrastructure de recherche-création dont il est coresponsable, a pour fonction de rassembler les prises de paroles citoyennes (performances publiques, récits de vie) par le biais d’une approche multimédiatique. Depuis quelques années, Harel propose des essais-fictions qui font place à la subjectivité du chercheur, dans une réflexion mettant en cause les lieux communs de l’identité. Auteur d’une quarantaine d’essais, fictions et volumes collectifs, il a publié l’automne dernier Foutue charte. Journal de mauvaise humeur (Varia). Il fait paraître en 2017 Place aux littératures autochtones (Mémoire d’encrier) ainsi que Été 1965. Fictions du hobo (Nota bene).

Boursière du FRQSC et du CRSH, Marie-Christine Lambert-Perreault achève un doctorat en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux portent sur les imaginaires de la table, la culture végane, le motif de la dévoration et les représentations de la filiation et des affects dans la littérature et les séries télévisées contemporaines. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Zizanie, cofondatrice du réseau de recherche «Autour de la table», et a fait paraître le dossier «Raconter l’aliment» (Captures, novembre 2016) avec G. Sicotte. Codirectrice des ouvrages Télé en séries (XYZ, 2017) et La mort intranquille: autopsie du zombie (PUL, à paraître), elle a publié divers articles et chapitres de livres consacrés aux écritures de la mobilité imprégnées par l’Asie de l’Est (Ying Chen, Amélie Nothomb, Aki Shimazaki et Kim Thúy).


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ISSN 2561-4622
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