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Revue Zizanie

Mondialisme et littérature — vol. 2, no 1, automne 2018

Mondialisme et littérature
Dossier

De la littérature comparée à la littérature planétaire
Par Simon Harel et Marie-Christine Lambert-Perreault

Quel est l’impact des nouveaux médias sur l’étude de la littérature? Qu’advient-il des processus artistiques et des translations culturelles dans une économie du savoir mondialisée? Que veut dire être comparatiste à Montréal aujourd’hui? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre par le biais du dossier «Mondialisme et littérature». Nous vivons dans un monde culturel de plus en plus complexe. À l’heure actuelle, des réflexions sont conduites dans le domaine des sciences sociales et des sciences économiques sur des problématiques d’identité, de transculture et de mondialisation, masquant le fait que des interrogations de fond doivent être formalisées sur les liens entre mondialisme et littérature. Les discours théoriques dominants mettent l’accent sur le relativisme des valeurs, des cultures et des genres littéraires, faisant valoir cette idée maintes fois reprise d’une subjectivité plurielle. Or ce discours consensualiste est fondé sur un renoncement généralisé à explorer des expressions importantes d’une universalité qu’un Edgar Morin (2004) nomme une éthique de la reliance. À ce sujet, Alain Badiou (1988) défend la vérité de l’universalisme qu’il redéfinit sous l’aspect de singularités universalisables.

Nous sommes d’avis que l’étude des relations entre mondialité et littérature est absolument importante pour trouver des passerelles qui ne réduisent pas le mondialisme à la sphère de l’économie de marché, ou le monde à une économie de transactions identitaires. De Paris à New York, la littérature comparée, discipline pluricentenaire, renouvelle son objet d’étude. À l’ère de la mondialisation où l’idée même de nation et de corpus national est remise en cause de diverses manières, il importe de mettre en place une réflexion sur l’avenir de la littérature comparée, qui pose la question non pas de l’unité du monde, mais d’un ethos qui renvoie à l’appartenance du sujet dans le monde pluriel dans lequel il habite. Nous sommes d’avis que Montréal, espace trilingue proche de l’Europe mais résolument nord-américain, constitue un lieu de réflexion privilégié pour amorcer cette discussion.

Dans le cadre du dossier «Mondialisme et littérature», nous convions ainsi les chercheuses et chercheurs en études littéraires, en arts et en sciences humaines à une réflexion visant à démocratiser le comparatisme, à cerner son caractère iconoclaste, ses impasses, de même que ses nouvelles modalités. Pour Myriam Suchet, la traduction constitue un «outil pour construire les comparables» ; prenant appui sur La Québécoite de Régine Robin et sa traduction vers l'anglais par Phyllis Aronoff, la chercheuse travaille à l’élaboration d’un comparatisme différentiel capable de «révéler les différences non seulement entre des entités tenues pour distinctes mais encore au sein de chacune d’entre elles».

L’article de Terry Cochran porte pour sa part sur ce que le chercheur nomme l’épuisement du paradigme littéraire, à envisager dans le contexte contemporain du développement de la littérature mondiale, de la multiplication des formes médiatiques et du présentisme. S’intéressant à l’esprit humain et à «ses inscriptions dans le monde», l’article souligne la nécessité pour la pensée de prendre appui dans l’expérience du dehors, sous peine de tourner à vide, comme en témoigne le cas du protagoniste de la nouvelle Schachnovelle de Stefan Zweig. Nella Arambasin étudie de son côté «la manière dont les mass-médias sont insérés, traités et transformés par l’écriture» des autrices et auteurs antillais de langue française; elle traite notamment de la consommation des médias dans les Caraïbes et des tactiques qui permettent une «politisation des pratiques quotidiennes».

Louise Kari-Méreau présente une étude des liens entre mondialisation, surconsommation et cynisme dans quelques romans d’inspiration autobiographique de Frédéric Beigbeder, dont l’humour noir «expose une vision pessimiste du fonctionnement d’une société contemporaine occidentale aux prises avec les conséquences du capitalisme.» Carolina Ferrer se propose quant à elle d’analyser les métadonnées des références contenues dans la base Modern Language Association International Bibliography à partir de l’approche de la criticométrie, qui apporte une perspective originale sur la littérature mondiale.

​L’article «Artaud/Rimbaud: guerres planétaires et étincelle astrale» de Simon Harel porte enfin notamment sur la lecture que fait Kostas Axelos de la poésie de Rimbaud et construit une réflexion sur la planétarité, modèle spatial de l’altérité radicale qui permet de mettre en perspective les concepts de migrance et de déplacement en s’éloignant de la notion de «monde» (Spivak, 1999; 2003) pour poser un regard nouveau sur l’exercice créateur de la migration.
Bibliographie
Badiou, Alain. 1988. L’être et l’événement. Paris : Seuil. Coll. « L’ordre philosophique », 560 p.
Morin, Edgar. 2004. La méthode 6. Éthique. Paris : Seuil. Coll. « Sciences humaines », 256 p.
Spivak, Gayatri. 1999. A Critique of Postcolonial Reason. Cambridge : Harvard University Press, 464 p.
———. 2003. Death of a Discipline. New York : Columbia University Press, 136 p.

​Responsables

Simon Harel (Université de Montréal)
Marie-Christine Lambert-Perreault (Université du Québec à Montréal)

Articles

«Pour une littérature comparée différentielle et située. La traduction, outil pour construire les comparables»
Myriam Suchet (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, Centre d’études québécoises)

«Ce qu’il reste de l’esprit littéraire»
Terry Cochran (Université de Montréal)

«L’intrusion des médias dans la littérature antillaise francophone: une anthropologie du quotidien réinventée à l’ère de la mondialisation»
Nella Arambasin (Université Bourgogne-Franche-Comté)

​
«Visions cyniques de la mondialisation chez Beigbeder»
Louise Kari-Méreau (Trinity College Dublin)
​​
«Les études littéraires à l’ère de la mondialisation: traces et trajets au prisme des nouveaux observables numériques»
Carolina Ferrer (Université du Québec à Montréal)

​
«Artaud/Rimbaud: guerres planétaires et étincelle astrale» 
Simon Harel (Université de Montréal)

Texte introductif téléchargeable ici:
Harel & Lambert-Perreault - Zizanie A18
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Notices biobliographiques

Simon Harel est professeur titulaire au Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal. Il est directeur du Laboratoire sur les récits du soi mobile, codirecteur du Centre de recherche des études littéraires et culturelles sur la planétarité et coresponsable du Catalyseur d’imaginaires urbain, une infrastructure de recherche-création qui a pour fonction de rassembler les prises de parole citoyennes (performances publiques, récits de vie) par le biais d’une approche multimédiatique. Depuis quelques années, Harel propose des essais-fictions qui font place à la subjectivité du chercheur, dans une réflexion mettant en cause les lieux communs de l’identité. Codirecteur de Télé en séries (XYZ Éditeur, 2017) et auteur d’une quarantaine d’ouvrages, il a récemment publié Foutue charte. Journal de mauvaise humeur (Varia, 2017), Place aux littératures autochtones (Mémoire d’encrier, 2017) et Été 1965. Fictions du hobo (Nota bene, 2017); il publiera en 2019 La respiration de Thomas Bernhard chez Nota bene et La mort intranquille: autopsie du zombie (en codirection avec Jérôme-Olivier Allard et Marie-Christine Lambert-Perreault, Presses de l’Université Laval). Troisième vie, un roman à paraître en 2019 aux Éditions Triptyque, est une fiction rédigée à quatre mains avec Claire Caland.

Boursière du FRQSC et du CRSH, Marie-Christine Lambert-Perreault achève un doctorat en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux portent sur les imaginaires de la table, la culture végane, le motif de la dévoration et les représentations de la filiation et des affects dans la littérature et les séries télévisées contemporaines. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Zizanie, dont elle est aussi la secrétaire de rédaction, et cofondatrice du réseau de recherche «Autour de la table». Elle a fait paraître le numéro «Espace, mobilité et désordre» (Zizanie, 2017) avec S. Harel et le dossier «Raconter l’aliment» (Captures, 2016) avec G. Sicotte. Codirectrice des ouvrages Télé en séries (XYZ, 2017) et La mort intranquille: autopsie du zombie (PUL, à paraître), elle a publié des articles et chapitres de livres consacrés aux écritures de la mobilité imprégnées par l’Asie de l’Est (Ying Chen, Amélie Nothomb, Aki Shimazaki et Kim Thúy).

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ISSN 2561-4622
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